LE STRATAGÈME SIGNÉ GUSTAVE C. : non à Vichy… oui à Saillon
Courbet fait croire qu’il part pour une cure à Vichy, mais disparaît en réalité à Saillon, autre cité thermale… en Suisse.
À la fin du mois de juin 1873, l’idée de quitter la France l’habite, mais il hésite encore. Il écrit alors à sa sœur Zélie :

Zélie Courbet par son frère Gustave Courbet
J’ai renoncé à aller en Suisse, puisque je ne suis pas sorti sous la Commune je ne vois pas pourquoi je m’en irai maintenant.
Pourtant, à la mi-juillet, il change d’avis et organise sa fuite. Dans une lettre adressée à Juliette et Zélie, il précise :
Je vais partir pour la Suisse par Pontarlier. Je tâcherai de passer par Flagey. Si je n’ai pas le temps, j’irai tout droit chez le docteur Gindre et les Pillot me conduiront en Suisse, il n’y a pas loin depuis Salins ou Pontarlier, il y a une ou deux heures de chemin de fer…

Le dimanche 20 juillet, le départ est imminent. Il écrit encore à ses sœurs :
Mes chers soeurs,
Enfin voici le moment de partir pour la Suisse…
Le même jour, Courbet adresse une longue lettre à sa fidèle amie Lydie Joliclerc, l’épouse du peintre Charles Joliclerc. Les instructions sont précises : tout doit se dérouler dans le secret le plus absolu.
Il s’agit maintenant de sortir adroitement de France, car, d’après la condamnation c’est 5 ans de prison ou trente ans d’exil si je ne paye pas. Dans ce cas, nous allons, M. O(rdinaire) et moi, partir pour la Vrine et nous y serons mercredi à 5 heures de l’après-midi. Nous comptons sur vous pour venir nous chercher, soit Joliclerc, soit le docteur, soit M. Pillod, avec une voiture fermée, et nous transporter d’un seul trait aux Verrières, où nous dînerons.
Dans tout ceci il faut un secret absolu.

Lydie Joliclerc par Gustave Courbet
La tension monte pour le peintre d’Ornans. Une nouvelle lettre à ses sœurs, encore datée du 20 juillet, confirme que l’heure a sonné :
Jeudi arrive mon procès, et je serai condamné, c’est sûr. Je serai peut-être condamné à deux cent mille F d’amende et obligé de faire l’exil, comme je vous l’ai déjà dit, ce qui n’est pas désagréable…
J’irai vous voir en partant pour la Suisse mercredi matin avec M. Ordinaire qui m’accompagnera en Suisse. J’ai écrit à Lydie et au docteur Gindre et aux MM. Pillod. Nous passons directement en Suisse. Une fois-là, je suis dans un Eldorado comme disait Max Buchon…
Le 21 juillet 1873, il écrit à son ami Jules Castagnary, critique d’art et homme politique. C’est ici que Courbet embrouille volontairement les pistes. Sachant que la lettre sera lue par Me Lachaud, son avocat dans l’affaire de la Colonne Vendôme, il met en scène un départ pour Vichy. En réalité, Vichy devient le mot de code destiné à masquer son refuge : Saillon, dans l’ancien moulin, à deux pas de la source thermale des Bains.
Je suis réellement souffrant d’une maladie de foie et d’un commencement d’hydropisie et je pars pour les eaux de Vichy, d’où je vous écrirai tout de suite.


