Commençons par la dame qui se promène dans la partie supérieure du tableau.

 

Qui est cette élégante ?

Une amie de Courbet ?

La Duchesse de Castiglione Colonna Adèle d’Affry ?

Une cantatrice du casino de Saxon ?

Une admiratrice ?

Une touriste émue par le paysage ?

Jo l’Irlandaise ?

La dame à l'ombrelle, détail de la Caverne des Géants de Courbet
La dame à l’ombrelle, détail de la Caverne des Géants de Courbet
Caverne des géants / Localisation de la dame à l'ombrelle
Caverne des géants / Localisation de la dame à l’ombrelle

 

Jo, La Belle Irlandaise
Jo, La Belle Irlandaise

 

Détail de « Jo, l’Irlandaise »

La Duchesse de Colonna

 

Une fribourgeoise qui marqua son époque

Vouloir devenir une artiste au 19ème siècle était loin d’être chose facile lorsqu’on était une femme. Une carrière ne s’offrait qu’à celles ayant la force et l’audace de s’imposer dans un milieu d’ordinaire réservé aux hommes. Adèle d’Affry s’y risqua et réussit. Pourtant son éducation artistique fut éclectique. Elle bénéficia, certes, d’initiations au dessin et à l’aquarelle, ou de cours de sculpture, mais son éducation resta lacunaire. Consciente de cela et des obstacles à franchir, liés notamment à sa condition de femme, elle s’attacha dès 1850 à une formation autodidacte englobant l’art, la philosophie, la religion, l’histoire et la littérature. Pourtant perfectionner sa formation ne garantit pas à l’artiste fribourgeoise une place dans le monde artistique. Adèle d’Affry dû s’affirmer car tout opposait le quotidien d’une sculptrice, orienté vers un monde extérieur largement composé d’hommes, et le quotidien d’une jeune femme du 19ème siècle, cloîtrée chez elle et chaperonnée à chaque sortie. A la fois confrontée à la réalité de son activité de sculptrice et voulant échapper à son statut social de duchesse pour être prise au sérieux par la critique et par ses pairs, la fribourgeoise exposa pour la première fois au Salon de 1863 sous le nom de Marcello. Ce pseudonyme, illustrant la dualité de son identité d’artiste, lui permit d’obtenir la reconnaissance sociale, professionnelle et artistique tant recherchée. Morte trop jeune pour assister aux changements du milieu artistique en matière d’intégration et de reconnaissance de la femme, Marcello n’en incarne pas moins la lente mais persévérante percée féminine.

autoportrait

Marcello, buste autoportrait, 1858

 

En épousant à Rome Carlo Colonna, duc de Castiglione-Altibrandti, Adèle d’Affry devient duchesse de Castiglione Colonna. Après avoir vécu quelques années en Italie, patrie culturelle de la jeune femme et à l’origine de son éveil à l’art, Adèle s’établit à Paris, ce qui coïncidera à la fois à son entrée dans la vie artistique et mondaine. En effet, son statut de duchesse et son amitié avec le couple impérial la contraignirent à respecter certains engagement mondains : bals, salons, invitations aux Séries de Compiègnes, aux Tuileries ou à Fontainebleau. De plus, la duchesse de Castiglione Colonna étant très appréciée à la cour et par ses contemporains, elle dut donc apprendre à jongler entre sa vie mondaine et celle d’artiste, mais les tiraillements furent nombreux.

portrait Marcello_courbet

Gustave Courbet, « Le sculpteur Marcello », 1870

 

Marcello fut une artiste reconnue par ses paires et encensée par la critique. La fribourgeoise s’illustrera non seulement en sculpture, mais également en dessin ou en peinture. Artiste aux multiples talents, elle fut encore écrivaine, épistolière, mélomane et collectionneuse d’œuvres d’art. Les thématiques, qu’elle aborda (l’Orient ou la femme héroïque) et les œuvres qui en découlèrent, s’inspirèrent de ses voyages en Europe (Italie, Espagne et France) ainsi que de ses séjours à Givisiez et Fribourg. Ses œuvre se nourrissent de ses voyages et influences diverses. L’une des œuvres majeures de Marcello, et probablement l’une des plus connues encore aujourd’hui, est La Pythie de l’Opéra Garnier. Si l’orientalisme représenté dans La Pythietémoigne de l’intérêt à l’époque pour l’orient, Marcello représenta dans son œuvre une tension et une expression jusqu’à lors jamais transmises. La Pythie de Marcello est ainsi annonciatrice de la nouvelle perception du corps dans le monde l’art. L’acquisition de cette sculpture par Charles Garnier, qui l’exposera à l’Opéra Garnier dans un espace agencée pour d’elle, constitua une consécration professionnelle pour Marcello.

la pythie

Marcello, « La Pythie », 1870

 

 

Bianca capello de Marcello

Marcello, « Bianca Capello », 1863

 

Adèle d’Affry, duchesse de Castiglione Colonna, dite Marcello fut donc une femme de la dualité, entre masculin et féminin, monde de la cour et milieu artistique, tiraillée entre tradition et modernité. Cette fribourgeoise du 19ème siècle fut une pionnière dans bien des domaines et même si une maladie et une mort prématurée l’empêcheraient de se réaliser pleinement, elle ne cessa jamais d’oser et de s’imposer pour aller au bout de ses ambitions.

Lien
Site de l’exposition Marcello au Musée d’Art et d’Histoire de Fribourg.

Exposition Marcello du 7 novembre 2014 au 22 février 2015 au Musée d’Art et d’Histoire de Fribourg.