

En 1855, l’établissement est repris par un révolutionnaire de Dalmatie appelé Joseph Fama, qui le transforme en casino luxueux, comprenant une salle de concert. Il est également l’ami des frères Joseph-Hyacinthe et Maurice Barman.

Ces aménagements, couplés à l’ouverture du chemin de fer en 1860, à une publicité efficace et à la fermeture de plusieurs maisons de jeu en Europe, transforment le petit village de Saxon en centre cosmopolite à la mode. Cette dernière peut se flatter d’avoir accueilli en ses terres des hôtes illustres tels que le père de l’Italie moderne, Giuseppe Garibaldi ainsi que l’écrivain russe
Fama, Joseph
26.2.1813 à Spalato (auj. Split, Croatie),
23.12.1882 à Nice, cath., de Saxon dès 1853. Fils de Carlo et d’Elena Seismit. ∞ 1849 Jeanne Vellino, de Casale (Piémont). Etudes à Venise, puis à l’université de Padoue (1825-1835). Ordonné prêtre en 1837. F. enseigne la littérature française au collège de Spalato, puis à Adria (Vénétie). Il est expulsé en 1845 de Dalmatie pour avoir comploté contre l’empire austro-hongrois. Réfugié au Tessin, puis à Paris, il fonde en 1847 une légion italienne au service du Piémont, dont il est nommé capitaine-trésorier. Ami et compagnon de lutte de Garibaldi. F. quitte la prêtrise en 1848. Il s’établit à Martigny en 1849, puis à Saxon en 1852.

Propriétaire et directeur du casino et des bains de Saxon (1852-1878), il est élu président de commune (1856-1864, 1867-1880) et député radical au Grand Conseil valaisan (1869-1877). L’interdiction des jeux de hasard (1874) entraîne la fermeture du casino en 1877. F. s’établit ensuite à Nice.
Bibliographie
– Biner, Autorités VS, 296
– J. Montangero, Saxon-les-Bains, ou, La renommée perdue, 1992
Auteur(e): Gillian Simpson
Celui-ci s’y est même ruiné et cette situation peu banale lui donna l’inspiration pour son roman, « Le Joueur ». En effet, à l’automne 1867, alors que Dostoïevski séjourne à Genève avec sa nouvelle épouse, Anna Snitkina, il effectue plusieurs courts séjours au casino de Saxon, où il y perd son manteau jusqu’à son alliance.

Les années de génie pour Dostoïevski
1865-1873: les années de flambée du génie, allant de Crime et Châtiment aux Démons, englobant le sauvetage de l’homme par la toute jeunette Anne Snitkine, les simulacres renouvelés de suicide par le jeu, enfin la maturité avec le Journal d’un écrivain, dialogue entre l’écrivain et ses contemporains, livre de l’humanité où doit se révéler le secret du salut de l’homme engagé dans le malheur de l’histoire. Ania Snitkine a 20 ans quand elle le sauve: elle vient d’apprendre la sténographie et Dostoïevski lui dicte en quatre semaines Le Joueur tout en poursuivant la rédaction de Crime et Châtiment. Non seulement elle lui épargne la servitude totale auprès de l’éditeur Stellovski qui l’avait lié par un contrat léonin, mais elle accepte de l’épouser, lorsque l’écrivain, de 23 ans son aîné, lui fait tout à trac sa proposition (comme il l’avait déjà tenté auprès de plusieurs jeunes femmes, désemparé par sa propre solitude après la mort de Marie Dmitrievna).
Ce labeur napoléonien d’écriture le sauve donc à plus d’un titre: Ania devient son épouse, le pari est gagné, la mort recule. Car il ressort de cette Correspondance un corollaire de toute l’œuvre: le désir forcené de frôler la catastrophe, un appel de l’abîme qui, entre autres, le rend esclave du jeu où il perd systématiquement, malgré les promesses qu’il fait à lui-même et à Ania de «jouer comme un juif», mais esclave aussi de ses propres textes, vendus avant d’être écrits, misés littéralement comme au poker. Quelle force étrange chez cette jeune Ania Grigorievna pour supporter, encourager même les excursions aux maisons de jeu comme celle de Saxon-les-Bains quand ils habitent tous deux Genève. Genève détestée, une vraie «Cayenne», «une immonde république», un repaire de bassesse et de truanderie! Or, elle l’encourage parce qu’elle est consciente du masochisme tragique de ce compagnon qui joue l’écriture comme une ultime martingale de désespéré.
Un jour, c’est fini, la promesse est tenue, lui ne touchera plus à la table de la roulette et Ania mettra de l’ordre dans les dettes, les contrats, les éditeurs. Cette petite femme l’aura sauvé de lui-même.

Le 31 décembre 1877, Saxon doit cependant fermer son casino à la suite de l’interdiction des jeux de hasard décidée par les autorités fédérales et étrange coïncidence, c’est également le 31 décembre 1877 que Gustave Courbet meurt à la Tour de Peilz à la suite d’une longue agonie.
